La Suisse, cendrier de l'Europe?

La revue médicale la plus réputée du monde dans le domaine du tabagisme, Tobacco Control, du groupe du British Medical Journal (ou simplement BMJ) présente sur la couverture de son édition de septembre 2019 la Suisse sous la forme d'un cendrier au centre du continent et elle s'interrogee : « Is Switzerland the ashtray of Europe? »

C'est l'affaire du sponsoring par Philip Morris du pavillon suisse prévu pour l'exposition universelle de Dubaï en 2020 qui a provoqué cette interrogation. Certes, à la suite d'une réprobation massive dans notre pays même, relayée par les médias helvétiques, Présence suisse et le Département fédéral des affaires étrangères ont finalement été contraints de renoncer à ce sponsoring. Mais cet incident était un de plus d'une longue liste, et un de trop pour beaucoup, qui expose au plein jour la compromission des autorités politiques de notre pays avec les multinationales du tabac.

Nos ambassadeurs sont devenus les émissaires serviles de Philip Morris en Moldavie, en Ukraine, en Bosnie, et ailleurs. L'inauguration de la nouvelle et somptueuse ambassade de Suisse à Moscou a été financée par - décidemment on le retrouve partout - le cigarettier Philip Morris. Nos prestigieuses universités réalisent des études bidon payées par - vous avez deviné - Philip Morris pour, notamment, « prouver » que le paquet de cigarette neutre est sans efficacité. Tout cela projette une très mauvaise image de la Suisse dans le monde, ainsi que l'illustre ce choix de couverture par la revue Tobacco Control.

Profitant à fond du fait que notre pays soit le seul de tout le continent eurasiatique à n'avoir pas ratifié la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac (traité international de l'ONU), les multinationales du tabac l'ont érigé en sanctuaire mondial d'où elles peuvent préparer en toute impunité leurs opérations internationales.

La majorité parlementaire actuelle vote systématiquement en faveur des intérêts de cette industrie, quitte à sacrifier la protection de la santé de la population du pays. Elle s'apprète à voter une loi sur les produits du tabac d'un laxisme inouï et dont l'objectif déclaré est de maintenir le taux de fumeurs en Suisse à son niveau actuel pendant les 40 prochaines années et de bloquer la voie à la ratification du traité de l'OMS pendant des décennies.

Peut-on espérer que les citoyens se réveillent et élisent au prochain parlement des législateurs qui sauront enfin donner à la santé publique la prépondérance sur les profits distribués aux actionnaires des multinationales du tabac? Nous le pensons, et comptons sur vous, chers lecteurs, pour répondre à cette question par votre vote en octobre.