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« Pour une Suisse romande où il fait bon respirer »




Je n'ai jamais été dans un endroit plus pollué par les fumeurs que Genève

Je m'appelle Diana, j'ai 20 ans et je ne fume pas.

Avant d'habiter à Genève, j'ai vécu aux Etats Unis et dans l'Europe de l'Est pendant longtemps. Je dois dire je n'ai jamais été dans un endroit plus pollué par les fumeurs que Genève. Il sont absolument partout et empoisonnent l'air qu'on respire sans aucune contrainte. Tous les lieux publics - y compris l'Université, chose que je trouve inadmissible - sont totalement monopolisés par les fumeurs. Il est impossible de trouver un restaurant ou un café où on ne soit pas obligé d'inhaler la fumée des autres.

Je suis vraiment surprise, déçue et révoltée du fait que dans un pays comme la Suisse et dans une ville comme Genève, siège des organisations internationales, il n'existe pas une législation qui impose au moins des espaces séparés pour les fumeurs dans les lieux publics (bars, restaurants!). Je n'arrive pas à croire qu'en Suisse, on puisse être si primitif. Même dans les pays de l'Est, vous trouvez des restaurants avec des espaces clairement délimités, et, surtout - paradoxalement pour des pays moins développés que la Suisse - il y a moins de fumeurs !

Je ne supporte pas la fumée de cigarette. Je suis obligée de rester enfermée à la maison, car il n'y a pas d'endroit à Genève ou les non-fumeurs soient bienvenus, à moins de consentir à être empoisonnés à chaque seconde. C'est ce que je trouve le plus pervers dans cette situation. Si on n'accepte pas la fumée - chose qui est tout à fait normale, de tous les points de vue - on est considéré comme asocial. Ce sont les non-fumeurs qui sont de ce fait persécutés et isolés.

Le terme « non-fumeur » est lui-même insultant. C'est comme si les gens qui ne sont pas dépendants d'une substance devaient - pour exister - se distinguer des toxicomanes en s'appelant les « non-toxicomanes ». Pourtant, ne l'oublions pas, les fumeurs sont minoritaires. Je ne comprends pas pourquoi la minorité domine la majorité ! Je pense que les non-fumeurs, fumeurs « passifs » sont aussi très passifs sur le plan social ! Ils acceptent et tolèrent trop. Il faudrait qu'ils agissent et réclament leur droit de respirer de l'air frais. C'est seulement en se solidarisant qu'on arrivera peut-être un jour à rompre le monopole des fumeurs sur tout notre espace !

En attendant des vraies lois dans ce pays, j'essaie d'agir dans mon entourage. A l'Université, il n'y a pas grand chose que l'on puisse faire. Tout l'espace appartient aux fumeurs. On ne peut pas aller en cours et circuler sur les couloirs à Uni Mail sans passer dans un nuage de fumée. Mes vêtements et mes cheveux sentent en permanence le cendrier ! Cette campagne « Université sans fumée mais pas sans fumeurs » laisse en fait tout l'espace aux fumeurs. Cette annonce manque évidemment de conviction et de logique : les fumeurs sont des fumeurs parce qu'ils produisent de la fumée, non? J'ai envoyé une lettre à la direction et j'espère que l'année prochaine (d'après la Tribune) l'Université mettra fin à cette situation.

Heureusement, pendant les vacances, j'ai pu sortir de Genève et respirer ailleurs. Je suis allée à Florence avec ma famille. Là bas, dans quasiment toutes les pâtisseries et tea-rooms, la fumée est strictement interdite. Ça fait vraiment du bien de pouvoir savourer un gâteau tranquille, dans une atmosphère plaisante, sans qu'on nous impose de respirer du poison pendant que nous mangeons ! Pour les restaurants à prix moyens ou même plus chics, les espaces fumeur/non-fumeur sont toujours clairement délimités. On peut sortir, manger et se sentir bien, chose qui est impossible à Genève.

Conclusion: allez en Italie si vous avez envie de respirer un peu ...
 
Diana D., étudiante, Genève, avril 2004

Réponse d'OxyRomandie

Merci Diana pour votre témoignage très intéressant. Nous comprenons votre amertume par rapport à la situation du tabagisme passif à Genève. Votre message est représentatif de ce que pensent et vivent tous ceux qui se sentent exclus des lieux publics (presque un quart de la population) à cause de la fumée de tabac qui en pollue l'air.

La situation à Genève n'est certes pas brillante, mais elle n'est peut-être pas aussi sombre que vous la percevez - même si nous comprenons parfaitement vos sentiments. Il y a des signes d'une évolution dans un sens favorable - grâce, d'ailleurs, au fait que les personnes souffrant de la fumée passive commencent - comme vous - à s'exprimer et à prendre la parole. Les manoeuvres d'intimidation de l'industrie du tabac sont de plus en plus vouées à l'échec, après les révélations publiques de ses agissements frauduleux et manipulatoires. Genève commence à avoir des lieux où il fait bon respirer, dont OxyGenève rend compte dans sa liste de bonnes adresses. Genève a un restaurant 100% sans fumée (depuis le 21 mars 2004), un hôtel 100% sans fumée et plusieurs pâtisseries tea-rooms totalement sans fumée. L'Université va devenir 100% sans fumée à la rentrée d'automne 2004. De nombreuses entreprises sont déjà 100% sans fumée. Ce n'est certes qu'un début, mais il est rassurant de constater que le processus est bien enclenché, et nous pensons que rien ne pourra l'arrêter. Cependant, il est impératif d'accompagner ce phénomène. OxyGenève s'y active, en travaillant avec ses partenaires et les milieux de la santé publique à Genève, en Suisse et au niveau international.

Votre observation concernant l'opposition qui est entretenue entre fumeurs et non-fumeurs est très pertinente. Cette dichotomie fumeur/non-fumeur fait l'impasse sur le fait que nous sommes tous des personnes ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs, et qu'il n'existe pas de droits des fumeurs, pas plus qu'il n'existe de droits des non-fumeurs. C'est en réalité l'industrie du tabac - avec l'appui de ses agences de relations publiques et en y consacrant des millions de dollars - qui a imposé cette distinction entre fumeurs et non-fumeurs. L'industrie fait tout pour que cette distinction devienne une composante essentielle de l'identité des personnes, et en particulier des jeunes. Elle y est hélas parvenue en grande partie, faute de personnes qui, comme vous, ont ouvert les yeux sur cette supercherie et ont eu le courage de la dénoncer. L'avantage pour l'industrie est évident: lorsque l'on remet en cause le tabagisme d'un fumeur qui s'identifie fortement en tant que fumeur - même si on lui demande simplement de respecter le droit des autres de respirer un air non pollué - on s'attaque à son identité, il se sent stigmatisé, et cela provoque chez lui une réaction identitaire de rejet du message. Avec pour conséquence que le fumeur (ou la fumeuse) se comporte alors comme un allié objectif des cigarettiers et prend fait et cause pour une industrie qui lui vend un produit destiné à le tuer une fois sur deux ! C'est une version intéressante du syndrome de Stockholm, où les victimes s'érigent en défenseurs de leurs bourreaux.

Postcriptum

Merci pour m'avoir accordé votre attention. Je suis flattée que vous vouliez publier mon message ! Il est très rare que les gens comprennent mon point de vue sur la question. Je suis vraiment heureuse d'avoir découvert votre site. Maintenant je me sens plus rassurée et je suis prête à m'exprimer plus librement. Peut être si d'autres comme moi commencent à prendre une position plus ferme par rapport au tabagisme, les choses changeront peu à peu aussi en Suisse.

(Témoignage t04-003 - avril 2004)



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