Nouveau siège de JTI : la Genève internationale défigurée

Cet immeuble-miroir-aux-alouettes ne pourra pas occulter longtemps la triste réalité de l’entreprise qu’il abrite, dont les produits tuent chaque année plus de 450'000 personnes dans le monde, soit deux fois le nombre de victimes provoquées par les bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki !

Note d'OxyRomandie : Dans son édition du mercredi 11 novembre, la Tribune de Genève a publié notre tribune traitant de l'inauguration du nouveau siège de la multinationale du tabac Japan Tobacco International (JTI) sous le titre « Un immeuble vitrine à la gloire du tabac », ce dont nous lui sommes reconnaissant, mais après l'avoir quelque peu aseptisé. Nous reproduisons ci-dessous la version originale, non édulcorée, de notre texte, telle que nous l'avons soumis à la rédaction du quotidien genevois.

 

 

La Genève internationale défigurée

Ne nous leurrons pas : le siège de Japan Tobacco International (JTI) récemment inauguré en grande pompe par les autorités genevoises n’est pas un « nouveau joyau pour la Genève internationale » comme le titrait la Tribune de Genève dans son supplément ImmoPlus du samedi 31 octobre, loin s’en faut.

Ce nouvel édifice se situe au cœur du quartier des organisations internationales, sur une parcelle appartenant à l’État de Genève, que l’exécutif du canton a cédé à JTI avec complaisance, passant outre la désapprobation du département fédéral des affaires étrangères, pour qui cette installation était contraire à la vocation de la Genève internationale, tournée vers l’humanitaire, les droits humains, la paix et la santé publique.

La préoccupation de Berne se justifiait parfaitement. Le nouveau siège de JTI ternit irrémédiablement l’image de la Genève internationale. Son luxe tapageur et son architecture bling-bling n’ont pour finalité que de créer une vitrine publicitaire à la compagnie de tabac et à ses produits. Cependant, cet immeuble-miroir-aux-alouettes ne pourra pas occulter longtemps la triste réalité de l’entreprise qu’il abrite, dont les produits tuent chaque année plus de 450'000 personnes dans le monde, soit deux fois le nombre de victimes provoquées par les bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki !

Il convient aussi de se rappeler que JTI n’est autre que l’ex-filiale internationale de la compagnie de tabac américaine R.J. Reynolds (RJR). Cette dernière a été reconnue coupable (en 2010) d’activités s’apparentant au crime organisé. C’est pour mettre sa filiale hors de portée des tribunaux nationaux que RJR l’a vendue à Japan Tobacco en 1999, lui permettant ainsi, sous un autre nom, de continuer sans être inquiétée des agissements considérés comme frauduleux aux USA. Par exemple, JTI est la seule multinationale du tabac qui persiste à nier la toxicité de la fumée passive.

Inauguration du siège de JTI
avec les autorités genevoises

C’est une énorme erreur d’avoir permis à JTI d’installer son siège à cet emplacement stratégique du quartier des organisations internationales, à côté de l’UNICEF, de l’Organisation mondiale de la météorologie, de l’Organisation mondiale du commerce, et en face de la Maison de la Paix. Cette triste décision dénote un manque de vision affligeant de la part des autorités genevoises, qui ont fait un cadeau extraordinaire à la multinationale nippone du tabac tout donnant un coup de poignard dans le dos de la santé publique (en particulier de l’OMS).

JTI a pu ainsi ériger un monumental immeuble-sculpture dédié à sa propre gloire tout en offrant à ses collaborateurs un luxueux cadre de travail. Cependant, comme la déclaré au journal Le Temps l’épouse d’un cadre de British American Tobacco « Ce sont de belles boîtes parce que c’est une industrie sale ».[1]

C’est non seulement tout un quartier que dénature le nouveau siège de JTI, c’est la Genève internationale qui est défigurée.

 

[1] La forteresse assiégée du tabac suisse. Article de Carole Riegel dans Le Temps du 21 octobre 2013

Voir aussi:


2011.11.11/pad