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« Pour une Suisse romande où il fait bon respirer »


« Tout cela constitue un déni de démocratie, et révèle l’état de dysfonctionnement lamentable dans lequel se trouve notre Grand Conseil. Les Genevois voteront cet automne pour renouveler le Grand Conseil. Ces élections leur donneront l’occasion de tourner la page sur un parlement de l’ère Bush... »


« Nul doute que la cour suprême helvétique annulera l’amendement UDC et remettra le parlement genevois à l’ordre aussi sèchement qu’il l’a fait avec le Conseil d’État au sujet du règlement d’application. On peut parier que cette décision du TF tombera en période électorale ou pré-électorale, fournissant ainsi aux électeurs une précieuse indication pour les aider à choisir leur parti et leurs candidats. »

Vote sur la fumée passive: le Grand Conseil genevois se désavoue

Le vote par les députés du Grand Conseil genevois, le jeudi 22 janvier dernier, de la loi sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics, à laquelle ils ont adjoint un amendement de l’UDC réintroduisant les fumoirs, est un revirement surprenant. D’une part, les députés ont désavoué leur décision du 20 septembre 2007, par laquelle ils avaient accepté, à une large majorité, l’initiative « Fumée passive et santé » - qui était clairement présentée comme excluant les fumoirs – tout en refusant de lui opposer un contre-projet. D’autre part, leur décision viole l’article 178B de la constitution genevoise, issue du plébiscite par le peuple de l’initiative le 24 février 2008. Ce reniement n'a pu se faire sans quelques retournements de veste révélateurs.

Le 20 septembre 2007, après une délibération marathon, les députés du Grand Conseil genevois acceptaient, à une large majorité (50 oui contre 29 non et 4 abstentions) l’initiative IN-129 « Fumée passive et santé » en refusant de lui opposer un contre-projet : ils suivaient les recommandations du rapport de minorité de la Commission de la santé. Le rapport de majorité de cette Commission proposait au contraire de rejeter l’initiative et de lui opposer un contre-projet. L’enjeu de la discussion était sans ambiguïté : l’initiative IN-129, selon l’interprétation même du Tribunal fédéral, qui avait statué sur sa recevabilité, signifiait une interdiction totale de fumer dans les lieux publics, sans exceptions – étant entendu toutefois que cette interdiction ne s’appliquait pas aux lieux à caractère fortement privatif, tels que cellules individuelles de prison, chambres d’hôtel, etc.

Les députés votèrent en pleine connaissance de cause : l’interdiction de fumer excluait les fumoirs. Ainsi, dans sa présentation, le rapporteur de la minorité motiva sa position en invoquant celle de l’OMS : « Je vous rappelle que l'OMS a condamné les fumoirs, en disant qu'ils intoxiquaient encore plus les gens, les fumeurs et les personnes qui gravitent autour de ces lieux, notamment les employés. L'OMS indique aussi qu'il n'y a pas de demi-mesures. Par exemple, les lieux où il y a d'un côté les fumeurs et de l'autre les non-fumeurs ne produisent pas d'effets positifs en termes non pas politiques mais de santé publique. Et c'est bien sur ce terrain que nous sommes plaçons aujourd'hui. » (Mémorial du Grand Conseil)

Il eut été loisible aux députés de donner au peuple la possibilité de se prononcer sur les fumoirs, en opposant à l’initiative un contre projet les autorisant, tel que cela a été fait dans le canton de Vaud. Mais ils en ont décidé autrement. En acceptant l’initiative IN-129 et en la soumettant sans contre-projet, ils ont suivi les recommandations de l’OMS, selon laquelle une telle interdiction stricte, sans fumoirs, est la seule mesure apte à protéger efficacement la santé des personnes – ce qui était le but de l’initiative. Le Tribunal Fédéral, dans son jugement 28 mars 2007, était arrivé à la même conclusion.

On connaît la suite. Le 24 février 2008, le peuple genevois adoptait massivement l’initiative « Fumée passive et santé », avec près de 80% de oui, la faisant entrer dans la constitution genevoise en tant qu’article 178B. Oublions la péripétie du règlement d’application du Conseil d’État, entré en vigueur le 1er juillet 2008 et annulé moins de trois mois après par le Tribunal Fédéral. L’article constitutionnel ne pouvait pas faire l’économie d’une loi d’application votée par le législatif. Un projet a donc été préparé par le Conseil d’État et examiné par la Commission de la santé, qui s’est prononcée majoritairement pour son adoption sans changement. Deux rapports minoritaires, l’un par l’UDC, l’autre par le MCG, proposaient de multiples amendements qui ôtaient une grande part de sa substance à la loi, dont l’introduction des fumoirs (un amendement voulait même rendre les fumoirs obligatoires !). Jeudi 22 janvier 2009, après quatre heures de débats animés, parfois houleux, les députés ont adopté la loi proposée par le Conseil d’État, en lui adjoignant l'amendement UDC qui réintroduit les fumoirs. C’est un revirement spectaculaire. D’une part, les députés ont bafoué leur propre décision du 20 septembre 2007. D’autre part, la tolérance de fumoirs viole l’article 178B de la constitution genevoise - qui ne les admet pas. Tout cela constitue un déni de démocratie, et révèle l’état de dysfonctionnement lamentable dans lequel se trouve notre Grand Conseil.

Les Genevois voteront cet automne pour renouveler le Grand Conseil. Ces élections leur donneront l’occasion de tourner la page sur un parlement de l’ère Bush, en désignant des députés qui redonneront à la fonction législative le minimum de dignité et de sens des responsabilités qu’elle semble avoir perdu. Ayant assisté aux débats, nous avons en effet été attristé de constater qu'ils se situaient souvent au ras du caniveau - l’argumentation de certains députés ne semblait reposer que sur l’invective, les insultes personnelles et d’énormes contre-vérités.

La décision du Grand Conseil de réintroduire des fumoirs n’a pu avoir lieu sans des retournements de veste de députés qui avaient voté oui en septembre 2007 et qui se sont désavoués le soir du 22 janvier dernier. En voici la liste :

Libéraux :AUBERT Claude AUBERT Claude  
PDC : CAVALERI Mario CAVALERI Mario HIRSCH Béatrice HIRSCH Béatrice
UDC : BERTINAT Éric BERTINAT Éric NIDEGGER Yves NIDEGGER Yves
MCG : BRUNNY SébastienBRUNNY Sébastien CERUTTI Thierry CERUTTI Thierry
CLAIRET Maurice CLAIRET Maurice RAPPAZ Henry RAPPAZ Henry

D’autres députés n’ont pas eu le courage de confirmer leur décision de septembre 2007, en s’abstenant – ils ont préféré enlever leur veste pour éviter de la retourner :

PDC : GILLET François GILLET François
Radical : HOHL Frédéric HOHL Frédéric

Nous notons que les trois reniements du PDC ont suffi pour faire basculer le vote en faveur de l’amendement UDC.

Les initiants ont dores et déjà déclaré leur intention de déposer un recours au Tribunal Fédéral contre la décision du Grand Conseil, qui viole l'article constitutionnel 178B. Nul doute que la cour suprême helvétique annulera l’amendement UDC et remettra le parlement genevois à l’ordre aussi sèchement qu’il l’a fait avec le Conseil d’État au sujet du règlement d’application. On peut parier que cette décision du TF tombera en période électorale ou pré-électorale, fournissant ainsi aux électeurs une précieuse indication pour les aider à choisir leur parti et leurs candidats.

Sources : Liste nominale du vote de l'inititiave IN-129C Fumée passive et santé le 20.09.2007
Liste nominale du vote de l'amendement de M. Nidegger (UDC) le 22.01.2009

(Dossier 09-001 - 2009-01-26)



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