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Narguilé : attention, danger!

Fumer le narguilé (ou chicha) est récemment devenu, en quelques années seulement, un phénomène de mode, qui a pris une ampleur extraordinaire dans de nombreuses parties du monde (Europe, USA, Brésil), y compris dans les pays orientaux dont il est originaire.

L'image véhiculée par le narguilé d' « invitation au voyage exotique » est entretenue par ceux qui en font le commerce, ainsi qu'en témoigne cette description caractéristique glanée sur un site Internet de vente en ligne de ce produit : Le narguilé en usage au Moyen-Orient est une source de plaisir, de détente, et favorise la convivialité. Réunissant autour de lui jeunes et moins jeunes, dans le cadre festif ou familial, il a la particularité d'être aussi très décoratif et a une place privilégiée au sein des demeures orientales. A la recherche du plaisir, ou de traditions ancestrales, fumer le narguilé est une invitation au voyage.

A cette image touchante d'exotisme s'ajoute un mythe qui perdure depuis que le narguilé existe : grâce à l'eau qui aurait un effet « purificateur », la fumée de narguilé serait nettement moins dangereuse que la fumée de cigarettes. Beaucoup de fumeurs sont même persuadés du caractère inoffensif du narguilé, pour eux-mêmes comme pour leur entourage. De nombreux commerçants propagent cette idée reçue comme argument de vente. Aux bars à narguilé, qui prolifèrent un peu partout, de banals salons de thé-chicha prennent maintenant le relais. Pire encore, de nombreux parents, en toute innocence, permettent à leurs enfants, parfois de très jeunes adolescents de 12 ans ou moins, de se réunir en groupe avec des amis dans le logement familial pour fumer le narguilé, alors qu'ils n'accepteraient pas que ceux-ci fument des cigarettes. Dans les écoles, des professeurs organiseraient, lors de certaines manifestations (comme par exemple la Fête de l'Escalade à Genève), des  Salles Mille et une nuits  où les élèves sont invités à fumer la chicha.

Tout cela révèle un grave et profond déficit d'information sur la nature réelle du narguilé et sur la toxicité de sa fumée, autant pour le fumeur actif que pour le fumeur passif. Disons le d'emblée : la fumée du narguilé n'est pas moins dangereuse que celle de la cigarette, bien au contraire. L'eau ne purifie pas la fumée, mais en augmenterait plutôt la toxicité. La pratique du narguilé comporte tous les risques sur la santé associés à la cigarette, auxquels elle en ajoute d'autres. Finalement, le narguilé produit autant, voire plus, de fumée passive que la cigarette, et cette fumée est encore plus nocive.

Pour combler ce manque d'information, OxyRomandie s'est associée au CIPRET-Genève et à l'UICC pour lancer, dès le 28 mai 2007, une campagne de sensibilisation sur le narguilé, avec le soutien du Département de l'économie et de la santé (DES) de l'État de Genève et de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). La méthode de communication utilisée par la campagne consiste en l'affichages sur les bus et les trams circulant à Genève (voir affiche ci-contre, conçue par Déborah Freiburghaus, graphiste). La campagne désire attirer l'attention des parents, des enseignants, des décideurs politiques, et du public dans son ensemble, sur le caractère trompeur du narguilé et sur ses rééls dangers.

Des quantités massives de fumée

La quantité de fumée absorbée par le fumeur lors d'une séance de narguilé est massivement plus élevée qu'avec des cigarettes. Selon un récent rapport de l'OMS, « une séance de pipe à eau peut exposer le fumeur à plus de fumée sur une plus longue durée que lorsqu'il fume la cigarette. le fumeur de narguilé peut inhaler autant de fumée en une seule séance que s'il fumait 100 cigarettes ou plus. ». [1] Les travaux du professeur Bertrand Dautzenberg, pneumologue à l'hôpital Pitié-Salpétrière à Paris, montrent qu'un fumeur de narguilé inhale à peu près 750 ml de fumée à chaque bouffée, soit l'équivalent d'une cigarette entière.

L'effet pernicieux de l'eau

Contrairement aux idées reçues, l'eau ne purifie pas la fumée. Elle a en fait un effet très pernicieux. D'une part, l'eau refroidit la fumée, et donc permet une inhalation plus longue, plus profonde, et donc plus nocive - et elle rend la fumée plus facilement accessible aux plus jeunes, qui peuvent être dissuadés par le caractère âcre et irritant de la fumée de cigarettes. D'autre part, l'eau ne filtre pas le goudron, mais, par contre, elle réduit le taux de nicotine dans la fumée. Or, comme le fumeur recherche un effet produit par la nicotine, il lui faudra respirer plus de goudron pour obtenir cet effet. Le résultat est l'inverse de celui escompté : le fumeur respire de plus grandes quantités de fumée, et plus profondément, et s'expose ainsi à de plus hautes doses de substances cancérogènes et de gaz toxiques.

Une production massive de monoxyde de carbone

L'un de ces gaz, et parmi les plus toxiques, est le monoxyde de carbone (CO). Le mode de combustion au charbon du narguilé, moins complet, provoque une entrée massive de ce gaz dans les poumons, dont l'effet direct est une réduction de l'apport d'oxygène dans tout l'organisme, conduisant à une asphyxie des organes. Ce gaz contamine aussi l'air autour du fumeur. Ainsi, le taux de monoxyde de carbone en suspension dans l'air mesuré dans les bars à narguilé dépasse très souvent et largement le niveau d'alerte.

Le narguilé : une usine de particules ultrafines

Un autre effet pervers du passage par l'eau est l'augmentation des particules ultrafines, les plus dangereuses pour la santé. Une étude récente (non encore publiée) effectuée par le Secrétariat d'État à l'Économie (SECO) montre que les particules émises par le narguilé sont beaucoup plus petites et en beaucoup plus grande quantité que celles émises par la cigarette. Cela indique que la fumée passive produite par le narguilé est en fait beaucoup plus dangereuse, malgré le manque de signaux olfactifs pouvant alerter l'organisme de l'existence d'un tel danger. En effet, ces particules, qui pénètrent le plus profondément dans l'organisme, en passant toute les barrières naturelles de protection, sont largement invisibles et inodores.

Un risque de transmission de maladies

L'usage social et « convivial » du narguilé, et l'absence fréquente de règles strictes d'hygiène, créent un risque non négligeable de transmission de maladies infectieuses. Il est fréquent pour un groupe de partager un narguilé. L'embout qui se passe de bouche en bouche peut alors servir de moyen de transmission de virus tels que l'herpès ou l'hépatite, ou de la tuberculose. On a observé dans certains pays une recrudescence de cas de tuberculose associée à l'usage en groupe du narguilé.

Conclusion

Le rapport de l'OMS précité conclut, prudemment : « Le fumeur de pipe à eau, et la personne exposée à la fumée passive provoquée par la pipe à eau, encourent les mêmes risques de maladie que le fumeur de cigarette, y compris le cancer, les maladies cardiaques, les maladies respiratoires, et des effets délétères durant la grossesse. »

Nous aimerions que ce message soit compris des parents, afin qu'ils ne minimisent pas les dangers que l'usage du narguilé représente pour leurs enfants. On peut souhaiter que les parents assument leurs responsabilités face à un inquiétant phénomène de mode, qui risque de conduire tout droit à l'addiction tabagique de nouvelles cohortes d'adolescents, au moment même où la prévention du tabagisme enregistre ses premiers succès auprès des jeunes et où l'on voit enfin la courbe de la prévalence du tabagisme chez cette classe d'âge s'inverser.

Ce message s'adresse aussi aux enseignants pour qu'ils informent leurs élèves des dangers du narguilé et qu'ils s'abstiennent de toute initiative qui pourrait au contraire les inciter à ce mode de consommation du tabac.

Nous aimerions aussi que ce message soit reçu par les décideurs politiques, pour qu'ils assument leurs responsabilités et prennent les mesures nécessaires pour protéger la population contre l'exposition à la fumée passive, y compris celle émanant du narguilé, dont nous venons de voir qu'elle est fortement toxique.

Finalement, nous espérons contribuer à démolir la fausse croyance selon laquelle le narguilé serait une forme quasi inoffensive de fumer du tabac. On ne le répétera jamais assez, et c'était le slogan de la journée mondiale sans tabac de 2006, le tabac est mortel sous toutes ses formes. Comme nous venons de le voir, le narguilé n'échappe hélas pas à cette règle.

Pascal Diethelm, mai 2007

[1] WHO Study Group on Tobacco Regulation (TOBREG) Advisory Note Waterpipe Tobacco Smoking : Health Effects, Research Needs and recommended Actions by Regulators, Organisation Mondiale de la Santé, 2005

(Dossier 07-003 - 2007-05-29)



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